Émile Chambon
Les années de jeunesse (1905-1928)
Emile François Chambon naît le 10 janvier 1905 à Genève ; il est le fils d’Emile-Joseph Chambon et de Joséphine née Coppier. Trois ans après Emile, sa mère met au monde une fille, Julia Mathilde Chambon, qui, sa vie durant, assistera Emile.
À l’automne 1921, il entre à l’École des Beaux-Arts de Genève, non sans peine car la direction de l’école considère que sa famille n’est pas suffisamment aisée pour lui permettre d’embrasser une carrière d’artiste.
Une première bourse fédérale d’études lui est attribuée en 1921 et lui permet d’effectuer un séjour à Paris où il se rend avec son père. Ce voyage lui permet de se familiariser avec les peintres cubistes. Entre 1925 à 1928, il travaille auprès du peintre Jean-Louis Gampert, ami de Roger de La Fresnaye ; il l’assiste dans son atelier, mais également pour la réalisation des décors de l’église de Corsier (Genève, Suisse).
L’accomplissement (1928-1950)
En 1928 une seconde bourse d’études fédérale lui est attribuée, ce qui permet au jeune carougeois d’effectuer un second séjour à Paris ; il y reste environ dix semaines, partant alors à la découverte du Musée du Louvre où il réalise de nombreuses copies. Mais son séjour se termine plus rapidement qu’il ne l’avait prévu, ses finances étant au plus mal ; il laisse alors derrière lui ses amis Chauvet et Van Berchem, avec lesquels il était parti, et rentre à Genève.
En février 1931 intervient, dans la continuité de « Raison d’être », la création du mouvement « Présence », qui se veut un « groupe d’action, d’art et de philosophie » ; Chambon collabore à la revue publiée par le groupe que dirigent alors Trolliet et Jean Descoullayes. Dans le cadre de la revue, toujours, il se rapproche un peu plus de Ferrare qui l’introduira auprès de l’homme de lettres Max Jacob à Paris. Ferrare soutient Chambon avec conviction et figure parmi ses premiers admirateurs inconditionnels.
La fin des années 1930 marque une progression remarquable dans la production de toiles d’Émile Chambon, ce dernier allant quasiment jusqu’à la doubler par rapport aux début de la décennie, et cette cadence ne s’essoufflera pas avant la fin des années 1960.
La maturité (1950-1979)
Dès le début des années 1950, l’œuvre du peintre connaît un écho de plus en plus retentissant en Suisse ; il est présent dans un nombre considérable d’expositions collectives pour la plupart en Suisse alémanique et portant le plus souvent sur une thématique bien précise. Le nom de Chambon commence également à apparaître aux cimaises de galeries étrangères de manière ponctuelle, essentiellement à Paris où il expose à trois reprises au Salon de l’art libre au Palais de Tokyo. La publication d’une première monographie sur Chambon, en décembre 1957, par Edouard Muller-Moor aux Editions Cailler contribue à asseoir encore plus amplement sa réputation d’artiste.
En 1961 il fait la connaissance, à Genève, de l’écrivain Louise de Vilmorin qui tout de suite admire le travail de l’artiste et se prend d’amitié pour lui. Le 10 mai 1962, se tient à Paris le vernissage d’une grande exposition Chambon à la galerie Motte à l’instigation de Louise de Vilmorin. C’est à elle que l’on doit d’ailleurs une préface élogieuse dans le catalogue de présentation des oeuvres. En 1966, une dernière grande rétrospective est organisée au Musée Rath. Ses toiles - mises en regard de ses collections - font à nouveau l’unanimité et les critiques d’art louent la continuité dans son style, qualifié de raffiné et de distingué de par la subtilité de sa palette. En janvier 1969 Louise de Vilmorin séjourne à nouveau à Genève ; les Chambon sont une nouvelle fois reçus en sa compagnie à Collonge chez le prince Aga Khan. Ce sera l’une des dernières rencontres avec l’écrivain qui décédera en décembre de la même année.
À partir de 1977 la production de toiles de Chambon diminue et il se consacre alors essentiellement au dessin. Il connaît en outre quelques problèmes de santé et n’est pas en mesure, à son plus grand regret, d’assister au vernissage de la grande rétrospective Gustave Courbet organisée dès juillet au Musée d’Ornans à l’occasion du centième anniversaire de la mort du peintre. Deux mois plus tard toutefois, c’est avec sa sœur qu’il s’y rend et profite, au retour, de visiter les salines royales d’Arc-et-Senans.
Vers la postérité (1979-1993)
Dans les dernières années de sa vie, Chambon songe essentiellement à la pérennisation de son œuvre. En février 1980 il rencontre le directeur du futur musée de Carouge, en vue d’une donation qu’il souhaite faire à ce dernier. Deux ans plus tard le peintre fait don au musée de huit grands tableaux. Dans l’intervalle, en octobre 1981, il cède une importante partie de ses collections - près de huit cents pièces d’art africain et océanien - au Musée d’ethnographie de Genève.
En novembre 1983, la municipalité et Chambon lui-même mettent en place les modalités de transport des objets d’art ; les choses peinent toutefois à se mettre en place. Un arrangement est toutefois trouvé, en mars 1984, grâce à l’intervention de l’historien de l’art Jean-Marie Marquis.
Émile Chambon travaille également à la publication d’un livre, sous l’oeil attentif de ce dernier, dans lequel il souhaite illustrer quelques-unes des œuvres parmi les plus représentatives de sa carrière. L’ouvrage voit le jour en 1984 chez Skira. Le galeriste parisien Alain Blondel rend visite à Chambon dans son atelier et tient à faire une nouvelle exposition qui se tiendra l’année suivante, en mai 1985. Il peint alors assez peu mais consacre beaucoup de temps aux expertises de toiles de Gustave Courbet dont il a la charge.
En dépit de l’exposition Chambon vernie trois ans plus tôt au Musée de Carouge, l’artiste reste amer et menace à nouveau de reprendre sa liberté quant à sa donation, le pacte successoral arrivant à échéance en automne 1987. Il faudra compter sur l’entremise de Jean-Paul Santoni et de Jean-Marie Marquis pour apaiser l’artiste et faire en sorte qu’il laisse au musée ne serait-ce que les œuvres accrochées lors de l’exposition inaugurale. La création avortée du « Musée Chambon » restera à jamais la grande déception du peintre.
Émile Chambon s’éteint à Collonge-Bellerive le 28 octobre 1993. La Fondation Émile Chambon voit officiellement le jour le 4 septembre 1995, deux ans après le décès du peintre.